Inaptocratie : derrière les mots
09/09/2014 10:28
Il y a peu, circulait dans les médias sociaux, une définition de l’inaptocratie de Jean d’Ormesson.
« Un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle. »
Le talent de Jean d’Ormesson à manier la langue n’est plus à démontrer. Il nous prouve une fois de plus sa capacité à faire passer des idées avec un réel sens de la formule et une accessibilité au plus grand nombre. Je ne sais donc pas d’où m’est venu ce malaise à la première lecture de cette définition. Il a fallu à mon esprit un peu moins vif un certain temps de décantation avant de comprendre ce qu’il y avait derrière les mots. Décorticage et questions.
« Un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire ». Comment se définit la capacité à gouverner selon l’auteur ? Il semble qu’elle soit liée, dans son esprit, à la nature de l’idéologie défendue et non à la capacité à décider, arbitrer, négocier, animer, donner une vision. On peut être un incapable dans n’importe quel paradigme idéologique à ma connaissance.
La seconde partie de la phrase est tout à fait surprenante : « sont élus par les moins capables de produire ». Les moins capables de produire élisent donc des incompétents. Si vous n’êtes pas « utile » à la production, vous ne devriez pas avoir le droit de vote au risque d’élire des inaptocrates. On ne parle même pas ici d’être utile à la société mais bien à la production. Fonctionnaires, travailleurs de l’associatif, chômeurs, rentiers, directeurs d’entreprise, cadres (le management n’est pas une fonction de production), femmes et hommes au foyer, retraités, penseurs et écrivains…j’ai une bonne nouvelle. Vous êtes dispensés de voter. Les travailleurs directement dédiés à la production eux ont le droit vote. Une belle manière de réinventer un communisme radical !
Jean d’Ormesson poursuit : « où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services ». L’auto-subsistance et la réussite : deux nouveaux critères pour justifier une place dans notre société. Malades graves, fragilisés de tout acabit, assistés sociaux, n’essayez même pas de revendiquer le moindre bien ou service. Vous ne l’avez pas mérité. Je vous suggère, à l’instar des éléphants, de vous retirer directement dans votre cimetière et de laisser les vigoureux producteurs profiter pleinement de leur force de production et des richesses qu’elles leur procurent. Vous n’avez de toute manière pas de place dans nos démocraties méritocratiques et vous ne désirez certainement pas contribuer à un système inaptocratique.
« Des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle. » Une nouvelle équation pointe à l’horizon : impôt égale confiscation de richesses et de travail. C’est vrai que la vie serait bien plus belle sans impôt. Les « vrais » travailleurs pourraient s’organiser eux-mêmes et subvenir à leurs propres besoins. S’acheter leurs professeurs et leur police, se construire leurs propres routes, centrales électriques, réseau d’égouttage et d’épuration, se payer leurs propres médecins. Evidemment, ils devront aussi les former eux-mêmes mais bon, on ne peut pas tout avoir. Et puis chacun devra se débrouiller seul et tant mieux pour ceux qui seront riches et en bonne santé. On aura réglé une bonne fois pour toute le problème de la surpopulation. Ce ne sera donc pas tellement grave si le nombre de producteurs diminue continuellement.
Serais-je un abominable socialiste ? Je vous laisse juge…mais ne me traitez jamais d'aptocrate s’il vous plaît.
Pascal DENHAERINCK