Les lettres brûlent, les questions restent…

12/08/2014 15:34

La presse relatait hier une « anecdote » qui pouvait sembler anodine. Il suffisait d’ailleurs de voir les réactions des internautes, pour la plupart amusées, pour s’en convaincre. 

Un facteur qui devait remplacer un collègue n’a pas délivré le courrier mais l’a emporté chez lui pour le brûler.  Licencié sur le champ pour faute grave, l’entreprise parle dans son communiqué de « coup de folie soudain» et de « pur acte malveillant ».

Si la faute professionnelle n’est pas vraiment discutable dans ce cas-ci, il est intéressant d’analyser les commentaires émanant de l’entreprise.  

Le « coup de folie soudain » fait référence au passage à l’acte.  Ce dernier était loin d’être anodin.  L’intéressé a touché à ce qui fait l’essence même de son métier, acte impossible à dissimuler et aux conséquences inéluctables pour lui.  Ce coup de folie « soudain » ressemble beaucoup plus au point final d’une accumulation, un processus de dégradation (visible ou invisble) qui se clôture de manière dramatique (au sens à la fois grec et commun du terme) pour l’intéressé.  Les questions surviennent inévitablement.  La détection de la détérioration de son vécu était-elle possible ?  Quelles étaient les possibilités pour l’intéressé d’exprimer son mal-être dans son environnement familial, social et de travail ?  Pourquoi l’intéressé s’est-il senti obligé de poser un acte aux conséquences graves pour mettre en lumière un vécu probablement lourd pour lui ?  En parlant de « coup de folie soudain », toutes ces questions sont occultées.  L’individu est « fou », même temporairement, il n’est donc pas responsable de son acte et les autres encore moins.  L’explication étouffe toute question et, par conséquent, toute possibilité d’apprentissage tant pour l’intéressé, son entourage et son entreprise.

Le second commentaire, un « pur acte de malveillance », est totalement contradictoire avec le premier.  Il va chercher ses racines dans le bon vieux réflexe qui a mené à tous les conflits (et toutes les guerres), à savoir, l’attribution d’intentions.  Si l’individu a cédé « à la folie soudaine », il aurait eu beaucoup de difficulté à être « malveillant ».  Préméditation et soudaineté ne font pas bon ménage.  De nouveau, l’explication empêche toute question pertinente sur ce qui pousse une personne qui avait été jugée « apte » au travail par son employeur (au moment du recrutement et pendant toute la durée de l’exercice de sa fonction) a posé un acte qui la touche dans sa propre dignité.

Le communiqué aurait sans doute été plus à propos en mentionnant « une faute professionnelle grave, justifiant un licenciement immédiat, dont l’origine mérite d’être analysée par toutes les parties concernées ».  L’histoire ne peut pas être réécrite mais son analyse permet de ne pas la répéter. 

 

Pascal DENHAERINCK

Précédent

Contact

J'y pense
Avenue konrad Adenauer 8
1200 Bruxelles

+32495167130

© 2014 Tous droits réservés.

Créer un site internet gratuitWebnode