Il faut
22/02/2015 14:52
Bonne ou mauvaise habitude, je résiste rarement à consulter « Twitter » avec ma première tasse de café. Je passerai ici sur cette double addiction matinale et sur ses effets nocifs sur ma santé mentale et physique. Aucun chercheur à ma connaissance n’a jamais étudié l’effet combiné de la caféine et des tweets plus ou moins inspirés. Que mes proches se rassurent donc jusqu’aux prochaines publications scientifiques sur le sujet.
Je tombe ce matin sur une très belle séquence de tweets d’un membre de la classe politique qui commençaient tous par « Il faut »…Voilà qui démontre une belle conviction, une détermination sans faille à faire passer ses idées, une volonté à toute épreuve de faire partager ses vérités. De quoi m’énerver profondément de si bon matin et aiguiser mes envies de transgression des injonctions.
« Il faut »…bon sang, il fallait (effectivement) y penser. De bonnes grosses solutions simples à des problèmes bien complexes. Une incantation bien placée pour démontrer que « nous » au moins on a les idées claires et que l’on connait la vérité sur les problèmes et que « nous », au moins, on sait ce qu’il faut faire.
Enervement passé sur ces convictions matinées d’opportunisme, j’essaie de passer à l’analyse (deuxième tasse de café).
Le verbe « falloir » renvoie à une certaine fatalité, à une forme assez directe de déterminisme. Si vous voulez que la situation soit comme cela, alors vous n’avez d’autres choix que de faire cela. L’expression « il faut » renvoie donc quasi d’office à une fermeture. Pas de discussion, pas de remise en question, pas d’esprit critique. C’est La solution, c’est ce qu’il faut faire. Si vous n’êtes pas d’accord avec cela, vous avez tort.
II y a dans cette expression quelque chose du rapport de force. Une forme assez directe d’imposition à l’autre, voire à sa propre volonté. Je me résous à…Il faut que je…Derrière des dehors volontaristes et déterminés, « Il faut » sonne pourtant comme un aveu de faiblesse. Je ne suis pas capable d’imaginer autre chose, mon esprit est fermé aux alternatives, je ne peux ni écouter ni comprendre autre chose que mes propres convictions.
Je n’ose imaginer les dégâts causés par tous les « Il faut » du monde. Je ne pense même pas aux plus extrêmes mais à ceux de la vie quotidienne. Toutes ces certitudes qui ont battu en brèche toutes les bonnes idées mortes nées ou avortées. Notre sensibilité, notre intuition, notre capacité d’observation, notre esprit critique pourraient sans doute mieux nous guider dans la recherche des équilibres subtils de notre vie. Sortir du confort apporté par un bon petit « il faut » est finalement très exigeant ; bien plus sans doute que la discipline que semble imposer l’expression elle-même.
Il faudra (haha) que je m’entraîne à bannir ce mot de mon vocabulaire ou alors de ne l’utiliser qu’avec un verbe d’ouverture. Il faut que j’y réfléchisse, il faut en débattre.
Pascal DENHAERINCK -