Rationalisme et peur

11/08/2014 15:33

Mon précédent billet posait la question de la prédominance quasi dogmatique du rationalisme quantitatif au cœur de nos entreprises qui l’érigeait ainsi au rang d’idéologie ultime éclipsant tout autre modèle de pensée.

Plusieurs facteurs me semblent intervenir dans cette main mise.

Le plus évident est probablement la rareté des ressources.  Chaque fois que l’homme a été confronté à une pénurie, on a assisté à des réflexes de préservation, de sécurisation et…d’individualisation.  Face aux difficultés financières ou matérielles, nous commençons à « rationner », la ration devenant un objectif en soi.  Dans nos sociétés fortement financiarisées, il est intéressant de constater que la notion de « pénurie » s’est déplacée vers le champ des  profits.  La diminution des profits est déjà considérée comme une pénurie et enclenche les mécanismes de rationnement.  Pour faire la démonstration de la carence en ressources, on fait naturellement appel à l’analyse quantitative qui vient alors justifier toutes les mesures nécessaires.

L’augmentation des capacités technologiques, trouvant ses manifestations les plus avancées dans l’intelligence artificielle, explique aussi le recours quasi systématique au rationalisme quantitatif dans toutes les grandes décisions sociétales ou organisationnelles.  Malgré tous les efforts des chercheurs, l’intelligence artificielle ne fonctionne, pour le moment du moins, pas de la même manière que l’intelligence humaine.  Elle ne prend en compte que les raisonnements les plus structurés de cette dernière.  Pas d’intégration des sentiments, de la motivation, des élans créatifs impulsifs.  L’outil s’étant imposé comme aide à toutes les décisions,  il connote forcément ces dernières.  Plus nos avancées technologiques en matière d’intelligence artificielle sont significatives, plus nous renforçons le rationalisme au détriment du reste.   Il serait inconcevable de développer des outils sophistiqués sans les utiliser…mais les utiliser induit un type de raisonnement.

Le dernier facteur est sans doute le plus particulier.  Dans l’ambiance globale de la nécessité de la rentabilité et de la croyance en la pénurie des ressources, tous nos dirigeants sont soumis à la crainte de se voir reprocher une prise de risque excessive dans l’utilisation de leurs moyens.  Ne pas avoir la maîtrise absolue de ces derniers est une faute grave qui peut engendrer sanction (d’où la nécessité de parachutes dorés).  La créativité ne s’exprime plus alors dans la création de valeur ajoutée innovatrice mais bien dans la manière d’accentuer la rentabilité.   Il ne faut pas exclure que beaucoup de nos dirigeants ont tout simplement peur de sortir du raisonnement dominant, seule planche de salut lorsque qu’il faut rendre des comptes, bons ou moins bons.  Le rationalisme quantitatif conjure le mauvais sort par sa procession incantatoire de statistiques et apaise nos peurs.  Le rationalisme simple expression de nos émotions les plus intimes ?  Quoi de plus humain ?

Pascal DENHAERINCK

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